Distance parcourue : 37 MN
Un petit coup d’œil au bulletin météo du jour nous indique que la journée sera calme, sèche : vent de Sud-Est virant Sud, 8 à 12 nœuds puis faiblissant à 6 nœuds ; et la nuit devrait suivre le même chemin : vent de Sud, 6 à 8 nœuds.
Il est 10 heures ce matin lorsque nous quittons Rongeværet et sa baie, Sjøbuosen. Nous sommes situés presque sur le même parallèle que le Nord des îles Shetland, mais ce n’est pas là que nous allons. Nous mettons le cap sur Alden, car la météo est de notre côté. C’est une île qui est un peu exposée sur la Mer du Nord et nous allons donc devoir quitter pendant quelques miles l’abri fourni par les eaux intérieures norvégiennes pour l’atteindre. Aujourd’hui, nous entrons dans des eaux inconnues, puisque nous avons atteint la limite nord de notre périple de l’année dernière. Donc, nous voici en route aujourd’hui pour dépasser le soixante-et-unième parallèle.
Pas de temps mort aujourd’hui, nous hissons les voiles immédiatement après être sortis de la baie, grand-voile et foc. Nous parcourons 12 MN pour arriver à un passage étroit de seulement 150 m de largeur. Bon, ce n’est pas si étroit que ça sur le papier, mais, visuellement, on se sent énorme dans ce passage et on surveille les côtés. Avec 75 mètres de part et d’autre, la côte semble être proche à la toucher…
La brise est légère, mais nous avançons tranquillement dans le Ytre Steinsundet plein vent arrière en enchaînant les empannages. Comme toujours, ce parcours entre les îles Norvégiennes est un régal pour les yeux. Au loin, devant, nous apercevons un glacier. Le temps est plutôt beau avec un soleil un peu voilé, mais qui réchauffe tout de même un peu l’atmosphère. Quelques petites accélérations du vent du sud, nous poussent un peu plus vite vers le mouillage prévu pour la nuit, mais ces airs nous lâchent à 8 MN de notre destination. Le relais est passé au moteur.
La sortie dans la partie exposée à la Mer du Nord se fait entre les îles de Buskøyna et Ferøyna. Et là, la vue sur Alden est splendide. Sa forme caractéristique en faisait un repère de premier choix pour les anciens navigateurs. Sa forme a donné le nom du sommet qui la surplombe : den norske Hest, le cheval norvégien. Mais pour l’instant, le vent se remet de la partie (bienvenue en Mer du Nord !) avec des rafales à 16 nœuds. Nous ne remettons pas les voiles, car il nous reste peu de miles à parcourir, mais nous remettons en question le mouillage au pied du cheval. En effet, il est tourné vers le Sud d’où vient le vent et nous craignons que la mer rentre dans la baie. En général, elle ne sait pas très bien bercer les navigateurs pour qu’ils s’endorment.
Nous préparons un plan B qui se situe sur la route avant d’arriver à Alden mais en passant devant lui… nous continuons. Pas très attirant le site. Finalement, à notre arrivée dans le mouillage prévu initialement, le vent s’évapore et la mer devient calme. La nuit pourrait être paisible. Pourrait, car il reste un paramètre dont nous allons devoir tenir compte dans les prochaines semaines : la côte norvégienne devient plus montagneuse en allant vers le nord, et ces reliefs sont souvent soumis aux vents catabatiques.
Vents générés par l’air froid qui dévale les pentes, ils peuvent produire de furieux coups de vent au mouillage qui transforment votre nuit rêvée en cauchemar. Après analyse des dernières prévisions météo, les conditions ne semblent pas réunies pour que ceci se produise, alors ce sera une nuit sur soc de charrue (c’est la forme de notre ancre) dans le creux de la main d’Alden.
Le soleil est magnifique et vient baigner de sa lumière cet endroit que nous trouvons plutôt à notre goût pour passer la soirée, une tisane à la main, à contempler ce qui nous entoure. Bien que la durée de la lumière du jour s’allonge, je suis trop fatigué pour aller à terre avec Colette explorer cet endroit, donc le cheval norvégien attendra demain pour recevoir ses cavaliers.