Distance parcourue : 156 MN

Cela faisait plusieurs jours que nous examinions les prévisions météo pour la côte Ouest du Danemark, côté Mer du Nord. C’est une côte qui offre peu d’abris, très exposée aux vents forts de secteur Nord à Sud par l’ouest. Les vagues peuvent devenir difficiles dans cette Mer du Nord peu profonde. L’entrée dans le peu de ports qui parsèment cette côte peut devenir alors risquée. Jour par jour, nous en sommes venus à la conclusion que la meilleure façon de l’aborder était de faire une seule et grande étape en choisissant une fenêtre météo qui donne un vent bien orienté (idéalement travers), modéré, mais suffisant pour parcourir les 150 MN de la route en 24 heures ainsi qu’une mer pas trop formée. Surtout pour l’atterrissage sur Thyborøn, où l’entrée dans le Limfjord, notre première destination au Danemark, peut être délicate par forte mer d’ouest.

Le terrain de jeu. Nous sommes au sud de la frontière danoise, à peu près au niveau de Flensburg à l’ouest. Nous allons au point rouge.

Chaque jour à Wyk, nous avons guetté le bon moment : un répit de 48 heures dans la météo un peu perturbée de ces derniers jours.  Hier soir, la météo n’était pas très favorable quand nous avons regardé. Mais, ce matin tôt, après la mise à jour des modèles météo, le moment de partir semblait être arrivé, mais, attention, la fenêtre est étroite, car le lendemain soir, le ventilateur se remet en route de plus belle.

Voici ce que nous avons au menu suivant le modèle météo ICON-D2 : Vent d’Est 15 nds faiblissant à 11 nds pour commencer. Pour la nuit, un vent toujours d’Est 18 nds, faiblissant à 16 nds. Même chose pour le lendemain. La direction du vent est plutôt favorable. Sa force également, mais ce sera une navigation sportive tout de même, car les vitesses de vent annoncées sont moyennes et il est très fréquent de se retrouver avec des vitesses supérieures une fois partis. À l’arrivée sur Thyborøn, ce sera musclé, mais rien à comparer de ce qui se profile le jour d’après. Si nous ratons cette fenêtre, il faudra attendre encore quelques jours à Wyk. La saison avançant, il sera de plus en plus difficile d’en trouver une.

150 MN à 6 nds de moyenne, ça nous ferait 25 heures pour rejoindre Thyborøn. Ce sera la plus longue étape de Strana à ce jour. Nous décidons de partir à 10 h30 pour arriver vers midi le lendemain.

Dans le chenal en quittant Föhr, le courant est avec nous et nous filons à 7,5 nds en vitesse fond grâce à sa poussée, bâbord amure. Le vent vient du 100° donc Est. Il fait doux et le ciel est bleu. Pour l’instant, avec 14 nds à l’anémomètre, la navigation est agréable.

C’est l’heure du casse-croûte.

Nous croisons maintenant le phare de l’île d’Amrum à huit miles de Föhr qui se trouve à notre tribord. La mer est peu agitée et l’allure est confortable.  À la sortie du chenal, nous empannons pour prendre la direction du Danemark. Au revoir, les îles Frisonnes. L’allure est moins rapide après l’empannage, car nous sommes grand largue tribord amure et, avec notre ris dans la grand-voile, Strana est un peu sous-toilé pour les 13 nds qui nous poussent. Nous gardons tout de même ce premier ris, comme nous anticipons une accélération d’ici peu. En parlant d’anticiper : en prévision de la nuit à venir, une petite sieste s’impose.

À mon réveil, j’entends un cliquetis que je n’avais jamais remarqué auparavant. Après enquête, il s’agit de l’arbre d’hélice qui tourne. Jusqu’à présent, il ne tournait pas avec notre hélice Kiwiprop. Les pales se mettaient bien en drapeau et l’arbre n’entrait pas en rotation. Quelque chose à changer, mais quoi ? Usure des pales, problème sur l’hélice, sur l’arbre ?

Il est maintenant 20 h et nous sommes à 10 miles nautiques du phare de Blåvandshuk, la pointe la plus occidentale du Danemark. Le pavillon de courtoisie danois flotte sous la barre de flèche tribord depuis que nous avons passé la frontière au nord de l’île de Sylt. Il y a à cette pointe un chenal assez étroit qui passe entre le phare et un champ d’éoliennes. Par fort vent d’Ouest, je le déclarerai impraticable. Aujourd’hui, avec ce vent d’Est, ça me semble jouable. Il faudra juste faire attention à l’empannage involontaire, car nous allons quitter l’allure de vent de travers pour celle de grand largue, voire très grand largue. Avec les vagues, le risque existe.

Le ciel rouge du couchant au passage de la pointe de Blaevandshuk.

Le pilote automatique est au repos et c’est le pilote Colette qui est aux manettes. Nous naviguons avec la grand-voile à deux ris et le foc depuis le nord de l’île de Sylt. La mer s’est un peu formée et l’anémomètre indique 27 nds. Quand je vous disais que le vent est parfois supérieur aux prévisions (certains diraient toujours). L’avantage, c’est que nous marchons à 8 nds travers au vent. Le passage du chenal se fera sans histoire, mais la mer à cet endroit était assez agitée pour un vent de terre.

Le chenal au large de la pointe, un bon endroit pour les éoliennes.

La nuit venant, nous décidons de réduire la voilure pour que le pilote encaisse mieux les rafales. Ciré sur le dos parce que ça mouille devant, j’ai essayé de prendre un ris sur le foc. C’est une première et la tentative n’a pas été couronnée de succès. Le foc est resté affalé finalement et nous avons hissé à la place l’ORC sur son étai largable qui est un foc plus petit avec une toile plus épaisse. A 1 h du matin, la GV descend au troisième ris, car le vent monte jusqu’à 29 nds. Strana taille sa route travers au vent avec cette voilure sans difficulté. C’est également la première vraie sortie de l’ORC.

La nuit passe sans problème, mais nous sommes pas mal fatigués par les manœuvres et le nombre d’heures passées à barrer. Il est 9 h du matin et nous sommes à 8 MN de notre destination. Le vent est encore soutenu avec 17 nds et des rafales 25 nds. Strana est un peu sous-toilé avec notre GV à 3 ris + ORC, mais à huit miles de l’arrivée, on ne va pas s’énerver sur la voilure. On marche petit largue à 6 nds et ça nous va bien. L’allure est confortable.

Pour épicer notre arrivée, le vent décide de quitter le statut de 25 nds en rafales pour passer à celui de 25 nds stable. Ceci est toujours modérément apprécié par le barreur en manœuvre de port. Mais, il y a de l’espace dans le port de Thyborøn pour évoluer et il est quasiment vide. Ce seront nos quartiers pour quelques jours avec la météo qui s’annonce.

Strana au repos à Thyborøn.