Distance parcourue: 42 MN

Les prévisions du jour : un vent de Nord-Est entre 10 et 15 nds. Beau temps sur le parcours avec des vagues de 0,7m. De bonnes conditions pour rejoindre Den Helder.

Den Helder marque l’entrée de la mer de Wadden lorsqu’on arrive par le sud. Si Scheveningen et Ijmuiden étaient des abris sur la Mer du Nord relativement accessibles, sauf par mer formée avec vent supérieur à 6 Beaufort, Den Helder est un abri qui se trouve à la sortie d’un « zeegat », littéralement un trou dans la mer.

Le passage entre Den Helder et l’ile de Texel.

C’est une caractéristique des îles de la Frise : entre les îles et le trait de côte se tient la mer de Wadden. Entre deux îles, il y a un passage nommé « gat » en néerlandais. Ca rappelle le mot anglais « gate », la porte. Elle pourrait porter ce nom car, parfois, elle se ferme et elle est difficilement franchissable si le moment est mal choisi.

Sur tout le chapelet d’îles, le bon sens voudrait que, pour les passer, le vent soit inférieur à force 6 avec vent et courant dans la même direction, ou que le passage s’effectue au moment de la renverse qui, pendant un court instant, donne un courant faible, voire nul. Cela dépend bien sûr du bateau et de l’expérience de l’équipage. Rien n’est impossible, mais le risque s’accroît si les conditions favorables ne sont pas réunies.

A vos calculatrices : il nous faut l’heure de départ d’Ijmuiden pour arriver à l’heure à laquelle le courant porte de la Mer du Nord vers la mer de Wadden, à l’entrée du Schulpengat qui sépare Den Helder du banc de sable nommé Noorderhaaks, au sud du passage Mariensdiep (Breewidj).

Le vent vient du Nord-Est. Ce sera donc une navigation au près. Distance à parcourir : environ 30 miles nautiques pour atteindre l’entrée du passage (35 MN en route directe pour arriver à Den Helder).

  • Le point critique, c’est le « gat ». Le vent sera dans l’axe du passage et nous l’aurons de face. Le vent sera inférieur à 6 beaufort soit 21 nds au maximum.
  • La marée basse vers Den Helder est autour de 16 heures, la marée haute vers 21h50.  Le courant nous portera pour entrer dans le passage. Nous serons alors vent contre courant. Les cartes de courants indiquent que le courant sera favorable entre 17h et 21h30. Pour éviter une mer agitée, la fourchette 16h-17h serait pas mal. Plus tard, ça devrait passer aussi car le vent devrait être modéré.
  • Vitesse du bateau : c’est un peu l’inconnue. Nous allons naviguer au près. Dans ces conditions, la vitesse de progression sur la route directe vers Den Helder sera inférieure à la vitesse du bateau sur l’eau car nous ne pouvons remonter qu’à 45° du vent réel. Si le bateau marche à 6,5 nds, la vitesse de progression sur la route directe ne sera que de 3,8 nds. Parfois, il suffit d’une bascule de la direction du vent pour améliorer nettement la situation. La vitesse sera donc dans une fourchette de 4 (sans bascule) à 6,5 nds (bascule favorable). Le courant peut accélérer ou freiner cette vitesse. La force du vent peut accélérer ou freiner cette vitesse.
  • Pour arriver à 16h à l’entrée du « gat » :
    • A 4 nds, il nous faut environ 7h30 pour se présenter à l’entrée du passage. Départ possible à partir de 8h30.
    • A 6,5 nds, il nous faut environ 4h30. Départ possible à partir de 11h30.

C’est là qu’intervient l’âge du capitaine. La mer sera belle à peu agitée et le vent modéré. Nous allons en profiter probablement pour réaliser un réglage sur le pilote automatique (autolearn) au départ de l’étape. Si le vent faiblit en cours de route, nous essaierons également de gréer pour la première fois le gennaker en navigation. Tout ça, ça va nous coûter un peu de temps.

Nous sommes la veille du départ, à l’heure de l’apéro dans le cockpit. C’est toujours à ce moment là que l’équipage est au complet. On mouille le doigt, on lève le doigt et on dit: départ à 8 heures, soit 30 minutes avant l’heure de départ pour une progression à 4 nds. C’est plus facile de ralentir un bateau qui va trop vite que d’accélérer s’il est trop lent.

En bas à gauche, la marque d’eaux saines qui annonce le début du Schulpengat où il faut être à la bonne heure en venant du sud.

Il n’y a pas eu de mutinerie sur l’heure du départ et, à 8 heures, nous quittons notre place pour prendre le large. Par beau temps, le vent est souvent plus faible le matin et se renforce l’après-midi. En sortant du Nordzeekanaal qui mène à Amsterdam, cela se vérifie : la mer est plate et le vent faible ; c’est l’heure du réglage du pilote automatique. L’autolearn exécute une série de manœuvres qui font zigzaguer le bateau navigant au moteur. Je ne sais pas ce qu’il apprend mais, au moins, il est allé à l’école. C’est un peu la même chose pour vos enfants. En principe, une fois l’école terminée, ils fonctionnent parfaitement. A suivre …

La direction du vent est plus Est que Nord-Est lorsque nous démarrons notre navigation. C’est plutôt bon pour l’état de la mer car le vent vient de terre, et pour notre progression car nous faisons route directe. Mais le vent est un peu anémique. L’heure du gennaker a sonné. Ça prendra un bon moment pour le hisser car c’est sa première apparition en public et, pour tout vous dire, il est un peu timide. Heureusement, il s’agissait d’une répétition, et il y aura plusieurs détails à régler pour sa prochaine montée sur scène.

Le jeune premier à poste.

Le vent change un peu de direction et de force. Le gennaker nous écarte de la route et nous choisissons de l’affaler pour marcher sous foc, ce qui redresse un peu notre route vers la bonne direction. Nous sommes à 16 MN de l’entrée du chenal qui va nous mener à travers le Marsdiep. Nous naviguons dans des fonds de 15 mètres.

La côte caractéristique de la Mer du Nord: un trait fin presque invisible.

A l’approche du chenal, le vent vient franchement du Nord-Est, se renforce et ralentit un peu notre progression. Il nous oblige à tirer des bords. Comme la mer est belle, nous choisissons de tirer un bord vers la côte. Il y aura moins de profondeur mais les vagues sont modérées. Ce bord nous amène vers des fonds de 7 mètres et nous sommes à 500 mètre de la plage lorsque nous virons de bord. Nous voyons bien le monde sur la plage qui profite des belles conditions que leur offre, aujourd’hui, la mer du nord. C’est toujours intéressant de suivre la côte de près. Nous voyons au loin une embarcation qui vient de quitter la plage et qui se dirige vers nous à pleine vitesse. Il s’agit d’un canot pneumatique avec à son bord des sauveteurs en mer qui sont venus par curiosité voir Strana.

Quelques longueurs plus loin, c’est un hélicoptère que nous voyons arriver en face de nous. Den Helder est décidemment très fréquenté en cette saison. Je me précipite dans la timonerie pour prendre la VHF portable car j’ai déjà eu l’occasion d’être survolé par un hélicoptère et, en général, c’est pour une bonne raison. Je l’allume et la règle sur le canal 16. Rien, silence radio. L’hélicoptère se stabilise au-dessus de Strana. Sa porte latérale est grande ouverte. C’est un hélicoptère de secours en mer et plusieurs membres d’équipage sont penchés par cette porte. S’agit-il d’un exercice ? Un pouce se lève et on aperçoit les sourires aux lèvres de sauveteurs. Je crois que le bateau leur a plu. La couleur jaune (teinte RAL 1016 si vous souhaitez faire une croix sur votre pont) n’attire pas que les insectes. A 16h30, nous sommes à l’entrée du passage. Le doigt était bien mouillé à l’apéro. Le vent se renforce dans le passage où nous démarrons le moteur pour affaler les voiles avant d’entrer dans Den Helder.

Notre 1ère exploration de notre abri pour la nuit: l’extrémité du port avec une corne de brume à gauche et une station de canots de sauvetage à droite.Accueillant cet endroit, mais quelle belle lumière ce soir !