Une petite définition extraite des profondeurs de l’histoire :

« CABOTAGE, s. m. (Marine.) on appelle ainsi la navigation le long des côtes. On entend aussi par ce mot la connoissance des mouillages, bancs, courans & marées que l’on trouve le long d’une côte.»

Encyclopédie, D’Alembert et Diderot, 1re édition (1751)

Carte extraite du manuel de pilotage à destination des marins bretons / Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Le cabotage désigne aujourd’hui l’activité de navigation de plaisance la plus répandue, et concerne alors généralement une bande de navigation côtière d’environ 20 milles marins. La distance d’un abri étant alors la principale raison de ce choix de navigation.

Sur Strana, l’équipage est réduit. Il n’est composé que de deux membres d’équipage, trois si on compte la patronne. Pour éviter toute confusion, la patronne, ce n’est pas Colette mais le pilote automatique dont la marque est Jefa qui signifie cheffe ou patronne en espagnol. Bon, c’est pas mal mais c’est un peu tiré par les cheveux car il est de fabrication danoise.

La navigation proche des côtes a ceci de particulier, c’est qu’elle est pleine de dangers qui, même connus, restent des dangers et demandent beaucoup de concentration et d’attention.  Il faut y ajouter la réglementation qui interdit la navigation dans certaines zones.

Il y a deux catégories de dangers : les statiques et les dynamiques. D’habitude être dynamique est une qualité ; dans le cas des dangers, c’est un grave défaut.

Dans la catégorie statique :

. Les hauts-fonds et les récifs

. Les épaves

. Les zones interdites présentant des risques (parc éolien, zones de tir)

. Les zones interdites pour la protection d’un espace maritime n’entraînent eux qu’un danger pour votre portefeuille

. Les marques et bouées que l’on n’a pas vus et qui nous sautent à la proue.

Tous ces dangers sont en général bien identifiés sur des cartes marines à condition qu’elles soient à jour.

Exemple d’une carte qui n’est pas à jour. Etablie par Lachanay, officier de marine (XVIIème siècle). Source: gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

Dans la catégorie dynamique et nous en oublieront sûrement car la vie est pleine d’imprévus:

. Le trafic maritime avec du moins risqué au plus risqué : les navires de commerce et de transport des personnes (routes répétitives, chenaux bien identifiés à l’approche des ports), les navires de pêches au comportement parfois erratiques, les autres dont nous faisons partie et qui peuvent être imprévisibles. Normalement, tous ces navires doivent veiller. En général, on peut relativement faire confiance aux gros navires en navigation côtière de ce côté-là. Par contre pour les deux autres, spécialement si c’est l’heure de remonter le filet ou l’heure du thé avec la patronne (le pilote) seule sur le pont, méfiance.

. Les équipements de pêche (filets, casiers) qui se prennent dans la dérive, la quille, les safrans ou l’hélice. Ils ont le choix.

. Les accélérations brutales du vent en certains endroits de la côte.

. L’état de la mer qui se dégrade subitement à cause du courant de marée, du vent et de la topographie des fonds marins.

. La cataracte du navigateur, naturelle ou causée par le brouillard

. La météo dont la prévision n’est pas toujours au mieux de sa forme.

Un principe en navigation : c’est qu’un danger n’arrive jamais seul. Le vent monte et la mer s’agite. Il faut réduire la voilure. Vous êtes en train de le faire. Un chalutier en action de pêche arrive droit sur vous. Vous êtes proches de la côte et, pour éviter la collision, vous devez vous diriger vers elle. Il faut avoir l’œil vif, le pied et la main agilent.

Un petit clin d’oeil aux Pays-Bas où circulent encore des caboteurs magnifiquement restaurés.

Nous avons adopté le principe suivant pour préparer notre route et garder de l’énergie en cas d’urgence :

Nous avons déterminé un rayon d’action de 35 MN qui peut être parcouru en 6 heures de manière certaine au moteur et entre 4 et 9 heures à la voile selon la direction du vent, les courants et la forme de l’équipage. Donc, au maximum, une journée de navigation pour arriver le soir et profiter du coucher du soleil et/ou d’un breuvage gratifiant après cette journée en mer. Au début, il nous est arrivé de repartir le lendemain pour la destination suivante tout en passant un peu de temps à visiter. C’était un peu fatiguant. Maintenant, après ce genre d’étape, nous restons au minimum deux nuits pour recharger nos batteries physiologiques, profiter de l’endroit et préparer l’étape suivante.

Certaines zones de navigation sont exigeantes et contraintes par les heures de marées pour les entrées/sorties de port (écluses, portes), les passages à fort courant. Ces zones peuvent être difficiles selon la force, la direction du vent et l’état de la mer. Elles imposent une grande précision pour déterminer l’heure à laquelle se présenter pour subir le moins possible les effets négatifs de ces éléments. Il y a souvent la possibilité d’attendre dans un abri au seuil de ces zones pour passer au moment favorable mais il y a des cas où s’arrêter peut-être plus compliqué que de naviguer.

Pour passer ces zones, nous avons adopté le principe de passer une nuit en mer ce qui donne un rayon d’action autour de 100 MN.

Dans l’étape de 35 MN, c’est comme une journée de travail. Vous vous réveillez tôt, vous vaquez à vos occupations dans la journée et vous terminez votre journée par un repos bien mérité.

Dans l’étape de 100 MN en équipage réduit, ça commence pareil mais la nuit devient plus difficile. D’abord, il fait plus frais. L’adrénaline produite par le stress de la navigation de nuit vous empêche dans un premier temps de vous reposer. Vers 2-3 heures du matin, la fatigue se fait sentir chez l’équipage. L’un des deux va se coucher, le deuxième prend son courage à deux mains et tente de garder les yeux grands ouverts. Un évènement imprévu et on bat le rappel de tout l’équipage pour la manœuvre. Il ne faut pas abuser de ce genre d’étape en côtier et en équipage réduit. C’est pour cette raison, que nous restons également, au minimum, deux nuits tranquilles après ce genre d’étape. Souvent plus, si le lieu se prête à la flânerie.

Pour compléter le chapitre, ne pas oublier le saut de calamar ou calmar (les deux se disent). Pour ceux qui n’auraient pas lu tous les articles de 2021, je rappelle que le calmar (c’est plus court à écrire) saute et que le terme est plus adapté à la mer que « puce ». Le saut de calmar est donc une navigation très courte; nous dirons autour de 10/15 miles et qui permet de rallier un point proche qui, pour je ne sais quelle raison, nous fait envie.

Certains pourraient penser qu’à cette vitesse, le voyage va être long. Ils ont raison mais c’est exactement ce que l’on souhaite. Que ça dure, que ça dure, que ça dure …. le plus longtemps possible.