Distance parcourue: 37 MN

Comme chaque matin avant un départ, je reporte la prévision météo du jour sur le journal de bord. Si nous partons, c’est que la veille la prévision était à notre goût. Aujourd’hui, je vérifie qu’il n’y a pas trop de variations avec la veille et ça semble correct: vent de Nord 16 nœuds faiblissant 11 nœuds. Il passera Nord-Est en  journée 13 nœuds. Les rafales les plus hautes sont attendues à 19-20 nœuds. Le temps sera sec et les vagues viendront d’abord du Nord 1,2m puis 1m, pour ensuite venir de l’Ouest 0,7m.

Je vérifie également la prévision pour la nuit que nous prenons lorsque nous envisageons un mouillage forain. A Wangerooge ce soir, nous aurons une bonne brise, 17 nœuds, faiblissant à 11 nœuds de Nord-Est avec une mer de 0,5m venant de l’Ouest puis du Nord. Nous serons moyennement protégés du vent mais nous ne subirons pas trop les vagues.

L’autre élément important pour un départ et un atterrissage derrière les îles de la Frise, c’est le courant. Nous avons prévu de partir à basse mer de Nordeney qui est autour de 7h53. Nous passerons le « gat » de départ au moment où le courant sera faible. Le courant dans le « gat » d’arrivée, à l’Est de Wangerooge, est inférieur à 2 nœuds entre PM (pleine mer) et PM + 2h. Au-delà, la vitesse augmente mais sans dépasser 3 nœuds. Après PM, le vent est contre le courant aujourd’hui: agitation en vue. Donc l’idéal serait de passer avant la PM. Pour l’arrivée, nous évaluerons la situation en cours de route car nous ne connaissons pas encore notre heure d’arrivée. Plus la distance est longue, moins la prévision de l’heure d’arrivée est fiable.

La route.

Nous n’avons pas pris de petit déjeuner ce matin. Nous le prendrons en mer. De toute manière, je n’ai pas beaucoup d’appétit. Deux choses me le coupent : nous sommes amarrés à des poteaux qui sont loin, le vent est plutôt soutenu 17-18 nœuds. La préparation nous absorbe un bon moment.

Voici les données de base : notre étrave est au ponton ; derrière, nous sommes amarrés à des poteaux éloignés sur l’arrière ; le vent vient sur notre bâbord ; mous n’avons que deux paires de bras à bord pour deux amarres, la barre et la manette de gaz. Si on se lâche de manière synchronisée, je suis à peu près certain que Strana n’aura pas le temps d’atteindre la vitesse suffisante pour sortir de la place sans dériver. A faible vitesse, Strana peut être comparée à une savonnette humide sur un carrelage lisse. Ça glisse bien mais jamais dans le sens souhaité. Il y a de grandes chances que nous finissions collés contre notre voisin. De plus, en lâchant l’amarre arrière, elle finira dans l’eau à proximité de l’hélice. Donc pas de marche arrière tant que l’amarre n’est pas remontée à bord.

Voilà d’où nous devons sortir sans se coucher sur le voisin du dessous. Strana a l’étrave sur le ponton et occupe les 2/3 de la place. Le vent vient du haut de la photo.

La solution mise en œuvre peut paraître laborieuse. Nous allons détacher les amarres qui sont sous le vent, à tribord, et qui nous servent à rien avec le vent qui vient sur bâbord.  Nous remplaçons l’amarre avant bâbord par une plus longue. Notre intention et de nous déhaler à la main et au ralenti moteur en gardant la tension devant et en reprenant l’amarre arrière jusqu’à ce qu’elle soit réduite au minimum et que Strana soit collée au poteau. Là, l’amarre est mise en place de façon à être larguée très vite. Comme le taquet est au niveau de la manette de l’inverseur et de la barre, je peux larguer l’amarre, mettre en marche arrière en donnant de la puissance tout en tenant la barre. Devant, Colette laisse filer l’amarre. Sortie impeccable, applaudissements, congratulations, autosatisfaction. La journée commence sous les meilleurs auspices. L’appétit revient.

A 7h30, nous sommes sortis du port et embouquons le chenal qui va nous mener en Mer du Nord. Une jolie brise de 14-15 nœuds nous accueille dans le chenal. La mer est agitée car il y a peu de profondeur. Les rafales montent à 18 nœuds. Nous avons hissé la grand-voile dans le port de Nordeney mais nous sortons au moteur pour passer le « gat » car le vent est dans l’axe du chenal. Après avoir dépassé l’île nous suivons le chenal qui va vers l’Est. Grand-voile haute et foc, nous naviguons au près dans le chenal. Je prends au passage quelques embruns dans la figure produits par le choc des vagues sur notre coque car elles viennent de travers. Nous longeons une plage immense sur laquelle nous étions hier en promenade.

Dernière image de Nordeney. La mer est encore calme pour l’instant mais elle va bientôt s’animée.

Je trouve la zone à risque. La plage n’est pas loin du chenal, environ 380m, la mer est agitée, nous sommes au près serré et à la merci d’une rotation de vent défavorable. Ce n’est pas conseillé de démarrer un moteur bateau gîté, mais j’estime qu’à notre position et pour quelques centaines de mètres se sera plus prudent de le démarrer prêt à être utilisé si nécessaire. De plus, il y a une zone dans le chenal qui a une profondeur de 1,7m sur la carte marine. On voit les déferlantes se former dessus un peu au nord du chenal. En tenant compte de la marée du jour, nous devrions avoir environ 90 cm de plus, soit une profondeur de 2,6m. Nous remontons la dérive de moitié. La performance au près va être diminuée mais la sécurité de la dérive est assurée, car avec 2,05m de tirant d’eau dérive basse avec des vagues, il est plus prudent de la remonter un peu. Nous finissons par nous éloigner de la zone à risque, Deutz retourne se coucher mais toujours pas de petit déjeuner à l’horizon.

La trace du départ de Nordeney le long de la plage.

Il est 9h22 et nous avons atteint la ligne de sonde des 10 mètres de profondeur sur la carte marine. Je ne me fais plus rincer le visage à l’eau salée. L’état de la mer s’arrange, le vent s’est un peu calmé. Le bateau file à bonne allure, bon plein à 8 nœuds. Il est fort possible que nous arrivions devant le passage de Wangerooge Est au bon moment. Mais la meilleure nouvelle, c’est que c’est l’heure du petit-déjeuner.

Grâce à notre vitesse, nous entrons à 12h35 dans le chenal entre Wangerooge et Minsener Oog qui va nous mener à notre mouillage. Nous sommes un peu moins de deux heures avant PM, le courant est avec nous et le vent est avec le courant. Nous passons entre les deux îles sur un tapis roulant. A sa sortie, nous affalons le foc et la grand-voile pour aller explorer notre zone de mouillage. La mer est calme, le vent autour de 12 nœuds. Ce mouillage s’annonce bien.

La zone de mouillage telle que nous la voyons sur la carte marine.

Il s’agit de trouver maintenant une place où le bateau peut éviter (tourner autour) sur son ancre en toute sérénité sans toucher le fond. Nous sommes à marée haute. Le paysage va profondément changer à marée basse. Un œil sur la carte marine, un œil sur le sondeur, la hauteur d’eau en tête et quelques ronds dans l’eau plus loin, l’ancre est jetée. Encore quelques heures et le verdict tombera : bon ou mauvais choix ?

La zone de mouillage vue d’un satellite (image ESRI, marée basse ?). Une vague ressemblance mais la date de l’image est inconnue.

Nous larguons 30 mètres de chaîne et le sondeur indique 5,4m à l’endroit où nous sommes pour l’instant. Un rapide calcul nous indique qu’à marée basse, nous devrions avoir 1,8 m de profondeur. Avec 1,1m de tirant d’eau, il n’y a pas beaucoup de marge. La marée basse est prévue à 21h. Il faudra surveiller ça de près.

La zone de mouillage vue du bateau.