Distance parcourue: 129 M

C’est un grand jour qui se profile: la première étape de la saison 2022. Avec 98 MN en ligne droite, nous allongeons le pas dans la Manche. Une grosse étape qui commence par une nuit en mer car l’heure de départ est dictée par l’heure d’arrivée sur la baie de Somme et l’heure de sortie du sas d’accès de Ouistreham. Nous partirons au dernier sas: 19h15 pour arriver aux alentours de 16h00, le lendemain, à l’entrée de la baie de Somme.

Juliet et Dion, propriétaires d’un Integral 43 nommé Beaufoy, sont venus nous saluer pour notre départ. Nous étions voisins au chantier d’hivernage à nous raconter des histoires d’Integral. Dion et Juliet repartiront bientôt vers une destination à laquelle nous ne pensions pas mais qui, maintenant, nous fait rêver un peu après les avoir écouté parler de leur pays: les îles Faklands, aussi connues sous le nom de Malouines. Un jour, peut-être, si nous allongons la foulée.

Qu’est-ce qui nous attend pour cette navigation ? Depuis quelques jours, les météos sont contradictoires, imprécises. Difficile de se faire une idée mais voici la prévision que nous avons sélectionné: Vent variable 1 à 3 pour la nuit du 6 au 7 juin s’orientant Ouest à Sud-Ouest 4 à 5 en seconde partie de nuit. Mer belle à peu agitée, houle non significative, pluie, visibilité moyenne. Et voici la réalité: vent moins que variable, c’est à dire nul toute la nuit. Puis, Ouest à Sud-Ouest force 5 (sans passer par 4), A peu de chose près, nous y sommes.

Passage du Sea Cloud Spirit dans le sas de Ouistreham

Juste avant de quitter le catway, nous assistons au passage d’un magnifique voilier de croisière le Sea Cloud Spirit, un grand trois mât, dans le sas de Ouistreham. Nous le verrons au loin pendant quelques miles après notre départ. Nous nous présentons dans le sas de Ouistreham où nous sommes les seuls représentants de la navigation de plaisance. Tous les autres sont des chalutiers. Gaz d’échappement et odeur de poisson à volonté dans le sas. Ils nous laissent gentillement une petite place à côté d’eux. Notre manoeuvre d’amarrage est impeccable. Peut-être on-ils été intimidé par la forme et la couleur de Strana car, si d’habitude le spectacle est donné par les plaisanciers, nous avons assisté à une soirée privée de la part des pêcheurs: deux bateaux ont coincé leurs amarres dans les taquets du quai au moment de le quitter à l’ouverture de l’écluse. Hurlements à bord, on aurait dit des plaisanciers …

Dans ls sas

Le temp est gris. La mer, gris acier, est presque lisse. Ça ne vous fait pas envie ? C’est normal, mais la mienne d’envie est énorme. Après 6 mois d’interruption, 1 mois de maintenance et modifications diverses, je trépigne: n’importe quel temps (sauf force 7), n’importe quel moment y compris la nuit; je suis content d’y aller.

La soirée et la nuit sont très calmes. Très peu d’activité maritime, nous sommes seuls sur l’eau. La mer est belle. La nuit n’est pas noire malgré le ciel gris. De plus, naviguer en juin à cette latitude fait que la clarté est encore présente à 22h30 et la lumière de l’aube s’allume vers 5h du matin. Agréable en navigation nocturne.

Ce que l’on voit la nuit, Le halo lumineux, c’est Le Havre.

Depuis le départ de Ouistreham aux alentours de 20h, nous sommes au moteur. A 5h00 du matin, presque en face de Saint Valery en Caux, nous sentons les premiers souffles du vent: 8nds d’Est. Fini le bruit et les vibrations du moteur, silence à bord, ou plutôt sifflement du vent et bruit d’eau sur la coque. Strana file à 5,5 nds en vitesse surface, idem en vitesse fond. Le courant est nul, c’est probablement l’heure de la renverse de marée.

C’est un vent de terre qui va se transformer en deux heures de temps en vent d’Ouest, 16 nds. Nous devons changer notre route car nous sommes plein vent arrière, allure pas très rassurante sur un voilier et, de toute manière, pas très efficace sur Strana qui ne peut pas ouvrir en grand sa grand voile à cause de ses barres de flèche. Nous plongeons vers Dieppe, grand largue. Le vent forcit encore et le temps du premier ris est venu suivi d’un virement bord pour repartir sur l’autre amure afin de s’écarter de la côte.

Le quart descendant a vite trouvé le sommeil .

Il est 10h du matin. Le vent souffle toujours de secteur Ouest mais plus fort maintenant avec des rafales. Pour tranquiliser notre pilote automatique et éviter qu’il ne consomme l’énergie du bord, nous prenons un deuxième ris au large de Fécamp. Nous profitons de la manoeuvre pour éviter une zone de pêche très active avec plusieurs chalutiers qui vont et viennent. J’ai l’impression qu’ils se trouvent à proximité d’une zone décrite comme hasardeuse pour la pêche ou le mouillage sur ancre sur la carte marine. Il resterait des mines. Ils ont déjà dû toutes les pêcher.

Le pilote automatique fait marcher Strana à la baguette sans trop d’effort à 7 nds grand largue mais la renverse a eu lieu à nouveau et le courant nous est défavorable. Alors le fond dit que nous avançons seulement à 5,5 nds.

Il est 11h30 du matin et nous sommes au large de la baie de Somme. Nous exécutons un bel empannage par 18 nds de vent pour rejoindre la position d’une bouée nommée AT-SO qui est une marque d’eaux saines. Elle indique le point de départ du chenal d’accès à la baie de Somme. Une heure après, nous sommes très près de la position supposée de la bouée. Le maître du port de Saint Valery sur Somme nous avait prévenu de sa disparition pour maintenance. Nous essayons de repérer les bouées d’entrée du chenal sans succès.

Le plan de route prévoyait une arrivée vers 15h30 dans cette zone. Nous avons trois heures d’avance. Que faire ? S’entraîner pardi. La navigation est devenue musclée: 20-23 nds, mer agitée, houle 1m de SW. C’est au près que nous nous écartons de la baie de Somme. Strana remonte au vent comme un quillard avec GV 2 ris + foc: 30° du vent apparent. La centrale H5000 Hercules calcule un angle au vent réel de 42°. C’est excellent pour un dériveur lesté. Satisfait, nous sommes. Nous en profitons pour calibrer la girouette en comparant le près sur les deux bords. Elle semble bien alignée. Nous passons à l’exercice suivant: la mise à la cape courante dont les détails sont dans le coin du Bosco.

Pris au jeu, nous avons failli être en retard sur la ligne pour entrer dans la baie de Somme et nous avons eu un peu de mal à trouver le chenal d’accès. Un peu tendu, beaucoup fatigué mais extrèmement heureux d’avoir atteint notre but: passer un bon moment au coeur de la baie de Somme.