Distance parcourue: 26 MN
Aujourd’hui, c’est un grand jour pour plusieurs raisons :
- Après une halte de cinq semaines à Oranjeplaat, nous reprenons le cours de nos navigations
- Nous allons promener la flore et la faune qui a pris pension sous la ligne de flottaison
- Nous avons des invités à bord (je ne parle pas des bébés crevettes qui s’agitent, collés au hublot de contrôle de l’hélice).
Béatrice et Dominique ont embarqué à bord de Strana pour naviguer une semaine avec nous à travers les Pays-Bas. C’est la première fois que nous allons naviguer et vivre à bord de Strana à quatre pendant plusieurs jours. Nous avons connu Dominique sur les pontons des courses Mini 650. Le Mini, c’est une aventure où la fraternité de ponton joue un grand rôle. Seize ans après, elle laisse encore des traces et ce sont ces traces qui nous rassemblent aujourd’hui à bord de Strana.
En parlant de traces et avant de parler météo, je vais vous raconter une curieuse histoire à bord. Il semblerait que Strana prenne un malin plaisir à conserver des traces du passage de ses invités. Une forme de bizutage ? Tout a commencé avec la marraine qui a joyeusement défoncé son davier avec la bouteille de champagne en 2021 lors de son baptême. Depuis ce jour, la date du forfait et l’identité du responsable sont imprimés sur le davier. Un an plus tard, c’était le tour de Franck, un ami de Juliet et Dion que nous avions embarqué pour une sortie à la journée à Ouistreham. Une traction puissante sur un cordage sans passer par le réa de renvoi au piano a creusé un profond sillon dans le roof en composite. J’ai demandé la permission d’inscrire la date et le nom pour continuer la tradition mais Franck a préféré rester discret. Ajourd’hui, c’est Béatrice qui y a eu droit. La même chose que Franck, presque au même endroit. Je n’ai pas posé la question pour la date et le nom parce que je me suis dit que Strana allait finir en calendrier des dates et les prénoms à fêter. Pour compléter ce calendrier, il faudra ajouter Rémy (lui n’est pas invité) qui, dans quelques jours, laissera tomber une dérive un peu trop bas et explosera une de ses cales en la remontant. Strana est un peu joueuse.
Venons en aux prévisions météos du jour: soleil, petite brise de nord, 3 beaufort. Comme d’habitude, la prévision météo à 24 heures est assez précise. Ce sera le temps que nous allons rencontrer pendant cette journée.
Pour permettre à Béatrice et Dominique de profiter au mieux de leurs vacances, nous avions établi et proposé un plan de route un mois avant leur arrivée pour recueillir leurs avis et connaître leurs souhaits pour cette croisière; six étapes et 150 MN passant par Veerse Meer, Oosterschelde, Mer du Nord et Ijsselmeer. Dés que les prévisions à quinze jours sont devenues disponibles, nous avons vérifié qu’il était possible de suivre ce programme. Les chances de succès pour l’exécution d’un tel plan sont très minces. La mer et le vent sont très lunatiques sur de grandes périodes et le passage par la Mer du Nord peut devenir rapidement difficile. Nous ne nous attendions pas à pouvoir le réaliser dans sa version originale et dans son intégralité, surtout avec un passage par la Mer du Nord. Pourtant, c’est ce qui va se passer. Plusieurs raisons possibles: la mer et le vent sont restés très disciplinés et ont écouté les prévisions météo à long terme; les météorologistes de métier n’ont pas pris de vacances cette année et n’ont pas été remplacé par des stagiaires; nous avons eu beaucoup de chance avec le temps.
La première étape de ce périple est une petite mise en jambe d’une quinzaine de miles nautiques pour rallier Zierikzee à partir d’Oranjeplaat. Mais la journée est trop belle et nous allons faire un petit détour dans le Veerse Meer pour naviguer sous voiles et profiter de cette journée. Quelques bords de près plus loin, nous repartons dans la bonne direction, au portant, pour rejoindre Zandkreeksluis, l’écluse qui sépare Veerse Meer de l’Oosterschelde. Les voiles sont alors amenées pour passer cette écluse. Nous les hisserons à nouveau un peu plus loin. L’écluse est très fréquentée: c’est le mois d’août et nous sommes dimanche. Elle est pleine. Intérieurement, je suis un peu tendu mais l’équipage est au top; nous entrons dans le pack sans difficulté.
Nous sommes passés dans un autre plan d’eau intérieur fermé, l’Ossterschelde. Pour rejoindre Zierikzee, nous avons un pont à passer. Notre tirant d’air est de 19 mètres, Il ne nous permet pas de passer dessous n’importe quoi et n’importe où. Nous devons passer par la portion qui s’ouvre pour laisser passer le trafic maritime. L’ouverture est toute les demi-heures et ne dure que cinq minutes. Le plus difficile est d’arriver à l’heure devant le pont. Trop tôt, vous faites des ronds dans l’eau pour patienter. Trop tard, vous pouvez aller vous faire un café; prochain passage dans trente minutes. Nous sommes un peu en retard. Nous voyons plusieurs bateaux en attente au pied du pont. La demi-heure a sonné mais le pont ne s’est pas ouvert. Ce n’est que lorsque nous sommes proches qu’il commence la procédure d’ouverture. Nous aurait-il attendu ?
Pas de navigation à la voile après le passage du pont. Zierikzee est au bout d’un chenal qui est presque tout de suite à droite après le pont. Un voilier nous a doublé au moteur en nous saluant après le pont. Ils ont pris le chenal. Nous voyons leur mât au-dessus de la digue mais il n’avance plus. Ils ont dût mouiller ou trouver un ponton. Nous prenons le chenal et nous les doublons à notre tour: ils sont échoués. Les plans d’eaux intérieurs des Pays-Bas sont peu profonds. Avec nos 1,10 mètre de tirant d’eau, nous pouvons nous permettre de relâcher notre attention sur le sondeur qui donne la profondeur sous la coque. Heureusement pour eux, il y a de petites marées dans l’Oosterschelde et nous les verrons arriver un peu plus tard à Zierikzee.
Etant donné la saison, nous avions appelé pour être sûr d’avoir une place. Je n’avais pas très bien compris les explications pour trouver la place mais le garde-port nous l’a montré. Horreur, malheur, c’est un amarrage entre poteaux, proue vers le ponton. C’est un type d’amarrage très usité en Mer du Nord et Baltique. J’ai eu le loisir d’assister à de nombreux amarrages de ce type à Oranjeplaat lors de l’arrêt prolongé. Même pour ceux qui ont l’habitude, l’exercice n’est jamais facile. Ici, c’est notre première. Pour corser la manoeuvre, les poteaux ne sont pas alignés. Le garde-port est là pour nous aider. Nous avons réussi mais je ne me rappelle plus très bien comment. Un de poteaux y a laissé un petit morceau. Je suis juste content d’être amarré. Quand je pense que ce n’est pas le dernier … mais n’y pensons pas. Allons visiter Zierikzee.