En préparant cette page, je me suis posé plusieurs questions:

  • Comment raconter en quelques mots quelque chose qui a pris près de 40 ans à se concrétiser ?
  • D’où vient ce plaisir d’être en mer sur un voilier et du voyage ?
  • Quels sont les choix que nous avons faits qui nous ont permis d’atteindre ce but ?
  • Quelle est la part de chance dans notre aventure ?

Ça me paraît trop sérieux comme sujets alors il était une fois … un inventaire à la Prévert des causes possibles qui auraient déclenché ce virus:

  • Un papa dans la marine nationale pendant la seconde guerre mondiale mais pas marin pour un sou dans le civil. Lui, c’était plutôt les avions.
  • Les vacances à la plage même si je nageais comme une enclume. Je préfère toujours être sur l’eau que dans l’eau.
  • Une marraine qui avait la bonne habitude de m’offrir des livres: Chiens de traineaux de Paul-Emile Victor et Naufragé volontaire d’Alain Bombard.
  • Un beau livre sur la marine française et l’architecture navale offert par le papa de mon beau-frère dans les années 70 qui travaillait au ministère de la marine.
  • Une visite au musée de la marine à Paris en 1972
  • Un professeur d’histoire-géographie qui a su communiquer sa passion pour les voyages et les grandes explorations. C’est incroyable comme la géographie devient alors facile et agréable. Je ne situe pas les années mais aujourd’hui il semblerait que les grands explorateurs sont parcourus en 5ème. J’avais 12 ans. Tiens, ça correspond à la visite au musée de la marine.
  • Une petite passion pour les pirates en parallèle. C’est l’esprit rebelle de l’adolescence qui pointait son nez. Avec la création d’un jeu basique avec un copain de classe, version moins scientifique de la bataille navale, qui consistait à dessiner des îles aléatoires sur une feuille A4 et des bateaux dans les coins opposés de la feuille, de lancer un dé pour déplacer ses navires et se tirer dessus avec un mouvement complexe mais élégant du stylo à bille Bic (il glissait bien à l’époque). Nous y avons consacré de longues heures d’études et d’intercours. dans nos jeunes années.
  • L’apparition de la génération Tabarly pour la course à la voile et de la génération Moitessier avec toute la littérature qui a suivi.
  • Les documentaires de Jacques-Yves Cousteau
  • L’apparition de Thalassa en 1975

Ce joyeux mélange a transformé un jeune citadin habitant loin de la mer sans aucuns antécédents familiaux en ce qui concerne la voile, en navigateur/constructeur. Allez savoir pourquoi.

Mais le chemin a été long car la navigation a proprement parlé n’a commencé qu’en 1981, je pense, par un stage de catamaran à l’UCPA. Premier contact, premier succès. Il faut dire que j’avais potassé le sujet grâce à un livre sur les hobie-cats, bateaux très populaires dans ces années là. Je n’ai pas souvenir d’avoir posé un pied sur un voilier avant cette date.

Les expériences nautiques ont été sporadiques à partir de ce moment là. L’éloignement de la mer a été un facteur défavorable. Mon entourage était tout, sauf marin. Merci les livres qui m’ont nourris, voire abreuvés, d’aventures salées.

1987: Ma première expérience de régate intensive en habitable dans un endroit improbable à un poste dont personne ne voulait. Le candide de service est devenu numéro 1 à bord d’un First Class 8 en s’entraînant sur un minuscule plan d’eau à Vichy où la manœuvre d’affalage du spinnaker est devenue essentielle pour ne pas finir dans le barrage, sans oublier de faire auparavant une dizaine d’empannages; entraînement oblige. Je suis tombé dans la nasse d’un prof de maths breton un peu fou pour terminer à Noirmoutier, aux sélections du championnat de France First Class 8, dans une tempête mémorable. J’ai encore les images devant les yeux de cette tempête à laquelle j’ai assisté, assis sur le pont du First Class 8 couché par le vent: la beauté et le goût de l’eau salée vaporisée par le vent qui se mélange avec l’air, sa couleur verte qui est devenue celle de l’air, le sifflement intense dans les haubans et le grondement des masses d’eau. La sérénité du candide: emballé dans mon gilet, j’ai été hypnotisé par cette mer déchaînée; je n’ai éprouvé aucune peur.

1990: Une nouvelle vie commence avec une nouvelle compagne. Internet étant absent, pas de critères sur la pratique de la voile. Juste un coup de cœur. Facteur chance: la première expérience de voile qui a suivi quelques années après a été un succès qui a remporté l’adhésion de mon équipière. Associé à un goût du voyage déjà bien installé, la mayonnaise était en train de prendre. Il s’ensuivit plusieurs stages, croisières, au cours de nos vacances.

1999: De sporadique, la voile est devenue un passe-temps régulier. Convaincu, que la régate produit des bons manœuvriers à bord des voiliers de croisière, nous avons entamés une carrière amateur de régatier en quillard de sport en faisant l’acquisition de notre premier voilier: régates de classe, Open de France jusqu’en 2004. L’apprentissage a été rude mais l’équipage bien formé et bien soudé.

2001: les premières esquisses d’un aménagement intérieur d’un voilier apparaissent. A la suite de la lecture du voyage autour du mode de Joshua Slocum suivi de l’aventure plus récente d’une réplique de son bateau le Spray of St-Briac, j’avais trouvé un architecte qui avait dessiné des voiliers inspirés du Spray. Je viens de retrouver les plans d’étude que nous avions commandés.

2005: un nouveau tournant dans la pratique de la voile. Nous nous lançons dans un projet Mini 650 avec en point culminant la participation aux deux éditions de la cours Les Sables-Les Açores-Les Sables en 2008 et 2010. Là, il y a un avant et un après. Je ne suis plus le même navigateur. Il ne s’agit pas seulement de la fréquence à laquelle on navigue dans ce type de projet mais également aux expériences auxquelles nous sommes confrontées. Hors course, on adopte une stratégie d’évitement. En course, on doit faire face. Ceci accroît de manière significative notre résistance aux éléments et ns capacités d’organisation et de préparation. L’atout de la Classe Mini 650: des bateaux très marins, une organisation qui met une priorité sur la sécurité des coureurs. Ce qui permet de placer sa barre un peu plus haut à chaque course.

2011-2013, nous continuons le Mini mais en format croisière.

Novembre 2011: nous prenons la décision formelle de rédiger le cahier des charges de notre futur voilier de voyage. Ce qui consiste à faire la synthèse de nos navigations et de nos lectures.

Décembre 2011: une rencontre décisive avec Peter qui construit son voilier d’expédition qu’il a conçu, un Integral 60, et à qui nous proposons notre aide comme apprentis. Pratiquement tous les samedis jusqu’en juin 2014, nous participerons à cette construction. Il est également l’architecte de l’Integral 43, bateau que nous avons intégré dans notre grille de sélection.

Octobre 2013: Colette nous fait une crise. Elle veut partir tout de suite en bateau. Le déclenchement de cette crise ? Nous avons assisté à une conférence d’Eric Brossier et France Pinczon sur leurs expéditions polaires à bord de leur fifty Vagabond. Grâce à Peter, nous avons dîné ensemble et la somme d’histoires passionnantes racontées au cours de ce repas a déclenché une indigestion chez Colette dont le seul remède a été la décision de partir. La recherche d’un voilier devient à partir de ce jour active.

Avril 2014: L’Integral 43 a gagné la sélection. Un seul défaut: il va falloir le construire soi-même. Peter m’a convaincu que c’était possible. La commande de la coque est passée. Le dessin du nouveau roof est en cours. Mon cerveau commence à fumer pour préparer cette aventure.

Juin 2014: Mise à l’eau de Nanuq, l’Integral 60, et voyage inaugural en Europe du Nord de 8 semaines auquel nous participons. Notre première longue période à bord d’voilier.

Pour la suite de cette histoire, il faut aller voir les grandes étapes de la construction.