Depuis quelques temps, le ciel était invariablement bleu. Nous nous y étions habitués. Ce matin, la grisaille s’invite. Béatrice et Dominique sont allés faire un petit tour rapide d’Enkhuizen, qu’ils n’avaient vu que de nuit, avant d’embarquer dans le train qui les ramènera à Oranjeplaat.
De notre côté, nous profitons de cette journée plus sombre et qui sera potentiellement humide pour s’acquitter de quelques tâches domestiques : ménage, lessive, maintenance, sans oublier quelques instants de repos. J’ai dit repos, mais nous ne sommes pas vraiment fatigués. Je cherche le mot juste. J’aurais pu dire farniente, mais ce serait mal venu car toute notre aventure est une succession de farnientes. J’appelle le Larousse des synonymes à la rescousse, et voici ce qu’il me répond :
- Délassement : même remarque que pour farniente.
- Détente : L’équipage n’est pas vraiment tendu, donc non retenu.
- Loisir : voir délassement.
- Oisiveté : Etat de quelqu’un qui vit sans travailler et sans avoir d’occupation permanente. Sans travailler, c’est vrai. Sans occupation permanente, ça c’est un commentaire de la part de ceux qui n’ont jamais eu de bateau. De plus, c’est un état qui dure alors que le notre est un état transitoire de quelques heures.
- Paresse : ça chauffe, mais c’est un peu négatif.
- Inaction : ça brûle.
Un moment d’inaction, c’est le bon terme. Parfois, il est bon de ne rien faire et de simplement lire, assis dans le cockpit, en levant le nez de temps en temps pour contempler la vie du port, une infusion à la main. J’ai choisi l’infusion car autre chose pourrait avoir un impact sur la santé si le moment d’inaction dure un peu. Par chance, il ne pleut pas pour l’instant.
C’est l’occasion de regarder les vieux gréements installés sur le grand quai en face du port de Krabbershaven où nous sommes. Je ne sais plus si c’est hier soir ou aujourd’hui mais de la musique et des chansons se sont échappées de l’un des ponts de ces vieux gréements. C’est étrange, mais ça donne de l’intensité à l’inaction.
Buyshaven est le nom donné à la marina d’Enkhuizen où nous sommes. Elle est gérée par le Koninklijke Nederlandsche Zeil- & Roeivereeniging (KNZ & RV), Association Royale Néerlandaise de voile et d’aviron, fondée en 1847. Elle nous a réservé un très bon accueil et les infrastructures sont très bien. Le bassin intérieur est réservé aux membres du club. Le bassin extérieur, Krabbershaven, est ouvert aux navigateurs de passage s’il y a des places disponibles. C’est là où nous sommes, sur le ponton V. Le grand quai en face accueille les grandes unités.
Comme dans la plupart des ports de plaisance néerlandais, le port propose un espace aménagé, De Kombuys, qui permet de se retrouver autour d’un repas avec ou sans BBQ, d’un verre, d’une télé ou d’un jeu, dans un endroit abrité, ailleurs que sur le pont d’un bateau. De notre ponton, la gare est à 750m et le centre-ville à 1km. C’est une halte très pratique et Amsterdam se trouve seulement à 1h de train ; y faire une visite à la journée est possible.
Mais nous ne le ferons pas. Après une lente réflexion pendant ce long moment d’inaction, nous irons demain saluer Hoorn, pas le cap mais la ville.