Le temps de l’action est arrivé … pour les jambes. Le soleil, un peu timide, est revenu. Deux façons de procéder pour cette journée de randonnée vélo : planifier les étapes ou se laisser dériver sur les pistes cyclables au gré du vent. Notre seul but fixé pour l’instant est de pique-niquer à Hoorn. Entre Enkhuizen et Hoorn, quartier libre.
Au retour, nous ferons une visite diurne d’Enkhuizen que nous n’avons vu pour l’instant qu’en nocturne. Renommée « Haringdonk » pendant le carnaval à cause de son ancienne activité économique qui était la pêche aux harengs (haring) avant la fermeture de la Zuiderzee, c’est une ville qui a également connu l’âge d’or de la Compagnie des Indes Orientales. Son architecture en conserve de belles traces. Elle dispose également d’un musée vivant en plein air (le Zuiderzeemuseum) qui permet de découvrir le passé au présent. Nous ne le visiterons pas cette fois car nous préférons musarder dans la campagne hollandaise. A ce soir, la cité de la vierge et des harengs (c’est le blason de la ville d’Enkhuizen).
Nous quittons Enkhuizen en longeant la côte par le sud. Le début de notre randonnée nous fait découvrir rapidement une installation, juste à la sortie de la ville, qui nous laisse perplexe. Il nous a fallu quelques minutes pour comprendre qu’elle était sa fonction.
C’est un ascenseur à bateaux qui permet de transférer des embarcations entre le canal qui court à travers les polders et Ijsselmeer (anciennement Zuiderzee) qui a un niveau plus haut que les polders. Avant sa forme actuelle qui date de 1923, le transfert s’effectuait par in plan incliné appelé « overtoom » manœuvré manuellement à l’aide d’une roue. Le trafic maritime qui y transitait transportait fruits, légumes et bulbes de fleurs. Le train a remplacé le trafic maritime mais ce sont toujours les mêmes produits qui transitent.
Aujourd’hui, c’est digérés (sauf les bulbes) qu’ils transitent en passager clandestin dans les intestins des plaisanciers qui s’offrent pour cinq euros un aller-retour entre le canal et Ijsselmeer. C’est un spectacle (je parle du transfert, pas du transit) auquel nous n’avons pas assisté mais qui a toujours beaucoup de succès. Si vous voulez voir l’ascenseur en action, allez sur Youtube en cherchant «Overhaal Broekerhaven ».
Encore admiratif des efforts déployés par l’être humain pour faire du commerce, nous continuons notre voyage en petite reine qui nous fait traverser Bovenskarpel. Une plaque commémorative attire mon regard. Elle est en néerlandais et un petit passage par un traducteur en ligne fait surgir la compréhension d’une suite de mots hermétiques.
De Westfriese Flora est une foire aux bulbes de fleurs créée en 1929 qui se tenait à Bovenskarpel. La plaque mentionne un accident tragique qui a eu lieu en 1999 : une épidémie de légionellose s’est développée lors de cette édition. Trente-deux personnes ont perdu la vie et deux cent six personnes ont été gravement malades. La cause : Un vendeur de jacuzzis a fait remplir ses bassins en démonstration avec un très vieux tuyau d’incendie contaminé par une souche virulente. Il n’avait pas mis de chlore car, normalement, il était interdit de s’y baigner. Mais il semblerait que certains aient passé outre l’interdiction.
Cet incident, de l’ordre du fait divers, m’a rappelé une signalétique que j’avais traduis du néerlandais, après être passé plusieurs fois devant, dans le port d’Oranjeplaat. Dans les ports néerlandais, il y a souvent des tuyaux d’eau déjà à poste sur les robinets des pontons. C’est pratique mais le panneau traduit mentionnait qu’il fallait laisser couler l’eau quelques minutes avant de l’utiliser. C’était une mise en garde contre le risque de contamination et de légionellose. Cet accident de 1999 a probablement laissé une trace indélébile dans la mémoire collective du pays pour qu’elle ait trouvé un écho sur les pontons d’Oranjeplaat.
Nous traversons un paysage de polders. Des canaux partout, des champs entre. Les canaux vont jusque dans les faubourgs de Hoorn, entourent les jardins des villas. Chaque maison à son petit pont qui enjambe le petit canal qui longe la route. A l’entrée, il y a souvent un petit stand. Nous nous arrêtons devant l’un d’eux. Attrapons un sac de prunes du jardin. Il y a une tirelire, le montant à payer. Nous y déposons la pièce et repartons, une main sur le guidon, une prune dans l’autre, juste avant de l’envoyer dans la bouche ; ravitaillement en vol.
Hoorn est aussi belle qu’Enkhuizen. Mais, aujourd’hui, elle est en pyjama. Le centre-ville est truffé de chapiteaux, toilettes de chantier, barrière. Les poubelles débordent. Les camions avec de petites grues sont partout en train de démonter des installations. Impossible de savoir quelle fête a eu lieu, mais à voir les déchets, les stands encore en place, le nombre de toilettes provisoires, je dirais que ça a quelque chose à voir avec la bière. La mine fatiguée de certains qui déambulent encore dans les lieux me dit que la fête a été longue. Toujours est-il qu’il est impossible de prendre une photo décente du centre historique après la bataille. Trop de cadavres.
Comme Hoorn ne se présente pas sous son meilleur jour, nous lui tournons le dos, assis sur un ponton en regardant Ijsselmeer tout en dégustant notre repas. En dessert, des prunes… et une visite des vieux gréements amarrés à un quai du port.
Nous repartons vers Enkhuizen par une autre route qui chemine aussi à travers les polders. Nous tombons sur des serres gigantesques. Est-ce là que poussent les fraises des Pays-Bas que nous mangeons régulièrement à chaque pique-nique (sauf aujourd’hui, c’était prunes au menu) ?
Nous avions quitté Enkhuizen par le sud, nous y arrivons par le nord en passant devant le musée vivant qui s’est éteint : l’heure de fermeture est dépassée. Aujourd’hui, nous avons profité de l’accalmie avec notre promenade de 68 km. Demain, nous savons que le ciel va pleurer alors nous rangeons nos montures au sec dans les coffres de Strana. Ce sera une belle journée pour travailler sur le programme de navigation des jours à venir.