Le calme était trompeur. Vers deux heures du matin, un vent de Nord-Ouest s’est levé, autour de 12 nœuds, avec des bonnes rafales à 15-17 nds. Rien de bien terrible ; c’est surtout le bruit du vent qui m’a réveillé. Avec 20 m de chaîne, soit 10 fois la hauteur d’eau dans une profondeur de 2 m, le risque de déraper est quasi-nul avec cette force de vent. Ça n’a pas l’air d’avoir été le cas pour notre voisin qui était mouillé à côté de nous. Je ne le vois plus. En cherchant un peu, je le retrouve en train de s’activer sur son pont, plus loin, pour mettre une ancre arrière en plus de son ancre avant. Il a dû déraper, car, avec ses deux ancres, il est travers au vent. Il est peut-être bien échoué aussi. Les fonds de 0,3 m ne sont pas loin de nous. Je retourne me coucher.

Le matin, petit déjeuner au soleil du matin. Nous sommes tellement bien ici que nous allons y rester une nuit de plus. L’occasion de faire un petit peu de maintenance.

La table du petit-déjeuner est prête.

Depuis quelques jours, les coinceurs Spinlock ZR1014 donnent des signes de fatigue. Ils ont perdu de la poigne pour bloquer nos écoutes et drisses. Ils ont besoin d’être nettoyés et lubrifiés assez souvent. C’est très facile à faire. Une fois dépoussiérés, ils ont retrouvé leur énergie, mais j’ai toutefois constaté une usure significative de la mâchoire de serrage ; à surveiller…

Après ce petit intermède technique, c’est l’heure du BBQ sur la jupe de Strana. Une fois l’annexe mise à l’eau, l’espace libéré est une superbe terrasse pour accueillir cette activité. S’il n’y avait pas ces immenses algues qui tapissent le mouillage, nous serions bien allés nous baigner également.

Comme l’air est calme, je décide d’effectuer un vol d’essai du drone embarqué à bord cette année. Si les deux premiers vols avaient eu lieu à terre, préparons-nous pour le deuxième stade : décollage puis atterrissage à bord de Strana, heureusement, presque immobile. Vol sans histoire, mais ce petit drone est sensible au vent. Ennuyeux à bord d’un voilier, mais je le savais. Nous sommes au stade de l’apprentissage alors ce sera bien suffisant pour commencer.

Allons visiter maintenant ce bout de terre qui a un air de bout du monde et qui est par ailleurs une réserve naturelle. Nous laissons l’annexe amarrée à un petit ponton. Plus loin, nous passons devant d’autres pontons plus grands, mais plus ou moins en bon état. Il y a un chenal pour y venir. En examinant la carte marine, nous avons trouvé qu’il avait l’air encore plus étroit que celui pour entrer dans la baie. Comme nous savions que les pontons étaient un peu délabrés, nous avons préféré nous arrêter avant avec Strana et faire le reste à pied.

Le village se nomme Albuen. Nous traversons ce lieu qui semble désolé, marécageux, battu par les éléments, habité seulement par des oiseaux. Albuen signifie « le coude » en français (« elbow » en anglais, un petit cousinage n’est-il pas ?).

Le coude (Albuen)

Difficile d’imaginer que ce lieu a connu une activité débordante due à la pêche aux harengs et au transport maritime. Il a été également un port militaire pendant la guerre de trente ans. Mais ça, c’était il y a très longtemps (15ème – 16ème siècle).

Plus tard, de pêcheurs, les villageois sont devenus pilotes. La première station de pilotage à la pointe d’Albuen a été construite vers 1790. Le premier phare a été construit en 1896, mais de nombreux navires ont continué à s’échouer dans les eaux peu profondes du fjord. Et au fil du temps, la récupération de ces épaves a fourni un bon revenu secondaire aux habitants du « coude ». Les maisons de pêcheurs, la maison de pilotage, le phare, l’école et le belvédère côtier datent d’une époque où la vie était abondante.

Les pilotes menaient les navires le long du canal sinueux jusqu’à Nakskov, plus à l’Est d’Albuen. En 1916, il y avait encore 41 habitants sur le site. En 1946, l’école a fermé. Les garde-côtes ont été déplacés d’Albuen en 1999 en laissant de magnifiques binoculaires qui permettent aux visiteurs de passage d’observer les bateaux et l’ile de Langeland. Le dernier résident permanent a quitté le village en 2002. Les maisons ne sont aujourd’hui utilisées que comme maisons de vacances. Voilà pourquoi, le coude est désert… et attrayant.