C’était prévu depuis longtemps ; Colette devait retourner chez nous pour une dizaine de jours et nous devions trouver un endroit où stationner pendant cette période. Le choix de Gedser a été fait en tenant compte de la nécessité de rejoindre facilement le chantier naval à Greifswald où nous avons laissé notre voiture. Colette va faire les 1300 km qui séparent Greifswald de notre domicile en voiture, mais avant de connaître les joies de la conduite sur longue distance, elle va devoir effectuer un trajet à vélo pour atteindre la gare maritime, une traversée en ferry de Gedser à Rostock, un bus pour rejoindre la gare de Rostock, prendre un train pour Greifswald, un bus pour aller à Wiek où se trouve le chantier, une petite marche de 1,5 km pour, enfin, ouvrir la portière de la voiture.
Nous nous sommes donc amarrés à Gedser sur le quai visiteurs à côté d’une roulotte Sauna. Quand nous étions au mouillage proche du port, nous avions vu des dizaines de bateaux entrer dans le port. Il s’agissait d’une course-croisière. Aujourd’hui, Le port est quasi-vide, mais, dans deux jours, ce sera le week-end de l’Ascension et il va se remplir à nouveau très vite. Il est bien protégé, mais, par vent d’ouest, le fond du port et les abords du quai où nous sommes se remplissent de longues algues accompagnées des inévitables déchets que nous produisons et qui s’égarent en mer. Les installations sont en très bon état. Un petit évènement qui n’est survenu qu’une fois pendant le séjour : des centaines de cadavres de moucherons sont restés collés un matin sur le pont de Strana. Un véritable génocide qu’il a fallu nettoyer.
Gedser n’est pas un endroit très animé. Il y a deux cafés, un petit supermarché, une boutique de petits objets de décoration qui fait aussi mercerie (on pourrait la qualifier de concept store, car on ne sait pas exactement ce qu’il y a à vendre dedans). Enfin, il y a la gare maritime qui relie le Danemark à l’Allemagne.
L’animation est au port qui est une destination de promenade et de barbecue essentiellement le week-end. Il est bordé d’une zone naturelle (15 Ha) où les propriétaires de chien font leurs exercices quotidiens, mais qui offre également une courte randonnée agréable pour les bipèdes solitaires. Elle commence en longeant la plage et se termine dans un bois. Nous sommes stationnés tout à côté de la plage. Au bout, on peut voir le chenal tout proche par lequel nous sommes passés en bateau pour rejoindre Gedser. C’est à cet endroit que nous aurions pu tendre la main aux pêcheurs qui étaient là, les pieds dans l’eau, pour ferrer le repas du soir lors de notre passage. Vu de la plage, on voit la langue de sable qui s’écoule en pente douce, lentement, dans la mer. Ce sera un endroit agréable pour attendre le retour de Colette.
La veille de son départ, nous sommes allés faire une randonnée en bicyclettes dans les terres qui s’est terminée par la visite de la gare maritime pour reconnaître les lieux avant son embarquement pour l’Allemagne. Il y a un mini-musée qui retrace l’histoire de cette liaison maritime entre ces deux pays et du chemin de fer associé qui aujourd’hui ne voit passer que du trafic de marchandises.
Gedser est le point le plus au sud du Danemark. Elle est née en 1886, comme une ville du Far-West, autour de la construction de la voie ferrée et du terminal de ferry. Les maisons ont été construites pour les bâtisseurs de ces infrastructures auxquels ont succédé les familles du personnel qui travaillent pour les ferries. Sans réellement d’âme, cette petite ville a pourtant vu passer des évènements forts en émotion : l’invasion du Danemark par les troupes allemandes lors de la Seconde Guerre a commencé ici. Cachées dans un ferry, elles ont pris pied sur le territoire danois. La seconde invasion, plus pacifique, fût celle des Allemands de l’Est qui, à la chute du mur de Berlin, se sont précipités avec leurs Trabans dans les ferries en direction de Gedser pour voir à quoi ressemblait l’Ouest. Les photos accrochées au mur du mini-musée qui témoigne de ces évènements témoignent de la vie qui a animé par moment cette bourgade qui, aujourd’hui, semble endormie.
En parlant de sommeil, nous nous réveillons très tôt le jour du départ. Il s’agit de ne pas rater le ferry, car la suite du voyage pourrait devenir compliquée, mais le périple s’est bien déroulé: Colette est arrivée à bon port.
Pour ma part, le voyage s’est réduit à l’accompagner à la gare maritime et à ramener les vélos au bateau, où je vais passer cette dizaine de jours à réaliser des petits travaux à bord, regarder le soir les hirondelles voler au ras de l’eau, saluer le soleil couchant et recommencer le lendemain.