Un peu d’histoire

L’autonomie en énergie est un sujet essentiel à bord d’un voilier en équipage réduit. Si pour le cabotage en Europe, ce n’est pas une priorité pour nous ; ça le deviendra lors d’une traversée. Il y a longtemps que nous avons arrêté notre choix : l’hydrogénérateur fera partie de l’attirail, avec les panneaux solaires et l’alternateur du moteur, pour disposer de la fée électricité à bord. L’éolienne n’a pas été invitée à bord.

Ma conviction s’est forgée lors de mon parcours de qualification hors course pour les épreuves de niveau A en solitaire sur Mini 650 en 2007. En solitaire, le sujet passe du statut « essentiel » à « crucial » en course. Je n’avais pas envie d’embarquer un générateur et l’essence nécessaire pour le faire fonctionner. La capacité d’embarquement est limitée sur un mini. La surface disponible pour des panneaux solaires étant réduite, j’ai pris la décision d’embarquer sur cette qualification un hydrogénérateur simple, pour voir : un alternateur, un cordage, une hélice immergée. Pas très pratique à relever avec la traînée de l’hélice même bloquée. Un peu lourd dans le devis de poids d’un bateau de course et, certainement, un frein à l’avancement. Mais, au final, je n’ai eu aucun déficit d’énergie. Le pilote automatique a fonctionné sans discontinuer. Question vitesse, la moyenne sur 24 heures avec immersion de l’hydrogénérateur n’était pas différente que sans hydrogénérateur. D’abord, parce qu’il n’est pas tout le temps à l’eau, et aussi parce qu’un mauvais réglage, un changement de condition météo pendant le sommeil du skipper, une fausse manœuvre ont plus d’influence sur la vitesse que le temps passé par cet appareil dans l’eau.

Si mon choix a probablement fait sourire les compétiteurs sur les pontons au départ de la course Les Sables-Les Açores-Les Sables en 2008, je ne l’ai pas regretté à l’issue de cette course. D’ailleurs, en 2008, Yannick Besthaven embarquait pour son Vendée Globe un prototype du fameux Watt & Sea dont plus grand monde ne pourrait se passer en course au large. Et aujourd’hui, il existe même une version spéciale Mini 650.

L’heure du choix

Au départ, il n’y a pas vraiment eu de choix. Le modèle de chez Watt & Sea était le plus éprouvé à l’heure de la sélection. Malheureusement, son système de fixation n’est pas adapté à notre voilier. À cause du logement pour l’annexe et des safrans suspendus, il n’y a pas de surface verticale disponible pour l’installer. Ils nous ont proposé la version pod à fixer en permanence sous la jupe, mais de notre point de vue, elle présente des défauts : le fouling (la tendance de la faune aquatique à s’attacher à vous), l’exposition permanente de l’appareil à l’eau de mer, la traînée induite également permanente même sans production électrique.

Le spectre de l’alternateur avec son cordage et son hélice immergée a refait surface… mais pas pour longtemps. Un concurrent, Seatronic, a mis sur le marché un appareil qui pouvait faire notre affaire, car le système de fixation semblait plus compatible avec les contraintes du bateau. Mais devant l’absence d’intérêt du fabricant sur la façon d’implémenter leur équipement sur notre bateau, nous avons renoncé. Avec l’expérience avec Watt & Sea qui avait étudié avec intérêt notre cas et proposé une solution, celle de ce nouveau venu qui délègue entièrement l’exécution aux revendeurs ou chantiers nous paraît inférieure en qualité de service et nous a fait reculer.

Une fois de plus, le spectre de l’alternateur avec son cordage et son hélice immergée a refait surface… Mais une dernière chance nous a été accordé. Durant mes longues recherches de solution, j’étais tombé par hasard sur un produit allemand, SailingGen. Ses performances électriques sur le papier sont inférieures aux deux précédents et la fiabilité inconnue, car ce produit est confidentiel. On pourrait même le qualifier d’artisanal, puisque réalisé à petite échelle par un navigateur qui profite de l’hiver pour mener ses affaires commerciales. Contact pris, nous lui transmettons notre dossier, photos à l’appui et nos échanges fructueux ont fait aboutir l’affaire à l’automne 2022. SailingGen est acheté et le principe de montage est défini. Le produit reçu a l’air robuste et bien construit.

La mise en service

Avant le départ de la saison de navigation 2023, Gilles et son équipe du chantier Aebi Naval m’aide à réaliser les plaques d’adaptation.

J’ai monté ce support, lors des travaux de maintenance à Greifswald (printemps 2023),  à proximité du milieu de la carène pour minimiser l’effet de la gîte sur l’hydrogénérateur, et côté bâbord selon les recommandations du fabricant (requis à cause de l’effet du pas de l’hélice). Une fois l’appareil enlevé, le support ne gêne pas le passage de l’annexe pour entrer/sortir du garage.

Montage sur la jupe.

La liste des travaux sur un voilier étant infinie, le système de relevage et l’installation électrique (prise étanche, contrôleur/régulateur, câblage) ont été réalisés ultérieurement lors d’une escale prolongée à Gedser (DK), car non prioritaire. Le circuit électrique avait été conçu dès la construction de Strana pour recevoir un hydrogénérateur et une éolienne : emplacement des régulateurs réservés, câblage en 4 mm2 en place donc pas de câbles à faire cheminer. Le système de relevage a demandé un peu de réflexion parce que je souhaitais réutiliser le palan tribord de relevage des safrans. Centimètre à la main, il a fallu quelques dizaines de minutes pour ajuster la longueur de cordage et obtenir le résultat escompté. Voyons ce que cela donnera en mer.

Les essais

Étapes courtes, et fréquentes escales rendent l’utilisation d’un hydrogénérateur superflue dans le contexte de cabotage, mais il fallait quand même savoir si les travaux précédents avaient porté leurs fruits.

Tout d’abord la séquence des opérations : elle est importante, car l’appareil ne doit pas être immergé sans avoir allumé le contrôleur/régulateur.

  • Allumer le contrôleur
  • Ouvrir l’application sur smartphone ou tablette. L’application permet de se connecter au contrôleur, de modifier les paramètres de charge et de voir l’état du système.
  • Mettre en place l’hydrogénérateur sur son support
  • Immerger l’appareil
  • Prier pour que cela fonctionne

Prière exaucée : le premier essai a validé le système. Il y a eu juste quelques réglages à faire sur le système de relevage. Ce fut bref, mais concluant.

Le 10 juillet, en route pour Lillesand (Norvège) depuis Mastrand (Suède), soit une centaine de miles nautiques, nous avons essayé une seconde fois plus longtemps pour voir si rien ne partait en fumée. Deuxième réussite : 2 h 30 de fonctionnement sans fumée donc sans feu !

Le contrôleur dans un boîtier en inox. Ses paramètres peuvent être modifiés par une app connectée par bluetooth.

Avec une vitesse autour de 7 nds sur la période, l’hydrogénérateur  fournit de 6 à 9A (en 24 volts) donc suffisamment pour nourrir le pilote automatique, le système de navigation et le réfrigérateur connu pour sa gourmandise. Il reste même de quoi prendre une petite décharge électrique si l’envie nous prend.

À suivre …